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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

de bâtiment. Voici d’abord une petite antichambre « grande comme la main » ; vient ensuite la chambre, qui est petite, basse, tendue de velours cramoisi : — des glaces, des encoignures de laque admirables, peu de tapisseries, mais beaucoup de lambris dans lesquels sont encadrés des tableaux charmants. La pièce principale de l’appartement était une galerie, longue de quarante pieds environ, et qui acquit une sorte de célébrité historique ; elle nous touche en tout cas, car c’était, à proprement parler, le laboratoire de physique de Voltaire. La galerie donnait sur les jardins par une porte formant grotte à l’extérieur. Sur le panneau opposé se dressaient d’une part une bibliothèque et de l’autre une vaste vitrine pleine d’instruments de physique. Entre les deux, une grande statue de l’Amour lançant une flèche et dont le piédestal portait ce distique :

Qui que tu sois, voici ton maître ;
Il l’est, le fut ou le doit être.

C’était comme un madrigal permanent à l’adresse de la maîtresse de la maison. Enfin, à l’extrémité de la galerie, se trouvait une chambre obscure pour les expériences d’optique.

Quant à l’appartement de la marquise, nous pourrions le décrire aussi, et l’on verrait qu’il était du dernier galant : la chambre était boisée en vernis du Japon et tendue de moire bleue, le boudoir garni de panneaux peints par Watteau ; c’étaient les cinq sens et les trois grâces, puis deux contes de La Fontaine, le Baiser pris et rendu et les Oies du frère Philippe. Ajoutez une cheminée en encoignure, des encoignures partout avec mille brimborions luxueux ; ici en évidence un encrier d’ambre envoyé par Frédéric de Prusse. C’est dans ce boudoir qu’Émilie passait ses nuits à étudier et à commenter Newton.