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LES AGITATIONS DE 1789.

côté, et demande qu’on applique le règlement qui permet d’exclure les membres absents plus de deux mois sans congé. On discute, et l’on ajourne la décision à huit jours. À la séance suivante, le géomètre Cousin fait remarquer que l’Académie a pour tradition de s’en remettre au ministre de toutes les mesures qui ne concernent pas l’avancement des sciences ; « il s’étonne que dans un moment où le ministre de l’intérieur, appelé par le vœu de la nation (c’était Rolland, revenu au ministère après l’insurrection du 10 août), mérite plus que jamais la confiance de l’Académie, elle n’en use pas envers lui comme elle faisait autrefois envers ses prédécesseurs, et il propose de charger les officiers de l’Académie de conférer avec le ministre sur l’objet proposé, tandis qu’elle se livrera à des occupations plus intéressantes. » On s’empresse d’adopter cette solution comme un moyen de traîner l’affaire en longueur et de la faire avorter ; mais Fourcroy ne l’entendait pas ainsi. Le 5 septembre, au moment même où le sang des suspects coule à flots dans les prisons de Paris, il poursuit, seul contre tous, sa sinistre motion, et interpelle le secrétaire perpétuel pour savoir s’il a reçu réponse du ministre au sujet de la radiation qui devait être faite des membres hostiles à la Révolution. On lit au procès-verbal : « Le secrétaire ayant répondu qu’il n’avait reçu aucune lettre du ministre, l’Académie arrête que, le ministre n’ayant pas répondu, le secrétaire ne pourra délivrer aucune liste des membres, ni en faire imprimer aucune jusqu’à ce que cette réponse soit parvenue. » Le zèle opiniâtre de Fourcroy fut ainsi paralysé par l’énergique et unanime réprobation de ses collègues.

La prudence de l’Académie ne devait pas la sauver. En vain elle gardait la plus grande réserve et éludait autant que pos-