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Elle avait tous les genres de prudence, et évitait soigneusement de donner prise aux déclamations des clubs. Quelques membres mettent un jour en avant l’idée de construire un grand télescope sur le modèle de celui qu’Herschel avait récemment établi. La dépense devait s’élever à 100 000 francs. On proposait d’y affecter une somme de 36 000 francs que l’Académie avait en caisse et qui provenait de prix non distribués ; on y consacrerait encore la valeur d’une pépite d’or pesant plus de 10 livres et qui ornait le cabinet de l’Académie ; le surplus serait demandé à l’Assemblée nationale. L’Académie vit bientôt qu’elle avait fait fausse route en appelant l’attention des clubs sur la petite fortune dont elle disposait ; elle renonça à son télescope, et elle se hâta d’offrir à la nation sa pépite ainsi que le résidu de sa caisse.

L’esprit d’union régnait d’ailleurs parmi les académiciens. À mesure que les circonstances devenaient plus graves, ils se serraient plus étroitement les uns contre les autres pour faire face aux dangers communs. Les procès-verbaux ne mentionnent à cet égard qu’une seule exception, qu’on peut relever pour la flétrir. Le 11 août 1792, le lendemain de l’invasion des Tuileries, Fourcroy, le chimiste Fourcroy, qui devait être plus tard un des hauts fonctionnaires de l’empire, se lève et demande qu’on lise la liste des académiciens pour y effectuer des radiations. On élude sa proposition ; mais huit jours après il revient à la charge : il fait remarquer que la Société de médecine a rayé plusieurs de ses membres émigrés ou notoirement convaincus d’incivisme ; il demande qu’on en use de même. On lui répond que « l’Académie ne doit pas prendre connaissance des principes de ses membres ni de leurs opinions politiques, le progrès des sciences étant son unique occupation ». Battu sur ce terrain, Fourcroy se tourne d’un autre