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Au-dessous de ces caractères prépondérants, il en reconnut d’autres dans l’étude d’autres familles naturelles.

On voit par ce qui précède quel est le principe propre aux Jussieu : c’est celui de la subordination des caractères. Et tout de suite on sent quelles sont la portée philosophique et la valeur pratique de ce principe. Il faut supposer qu’il y a un plan dans la nature, et, dès qu’on entrevoit quelques lignes de ce plan, on en découvre d’autres par là même. Un caractère d’un ordre supérieur en entraîne à sa suite un certain nombre d’ordre différent, et en exclut au contraire quelques autres ; dès que l’on a constaté le premier, on est sûr que les autres manquent ou coexistent. Une partie de l’organisation d’une plante est donc annoncée d’avance par un seul point qu’on a su vérifier. On comprend comment une pareille méthode porte et soutient celui qui l’emploie.

Ainsi l’absence ou la présence des cotylédons, leur unité ou leur dualité, n’importent point seulement à l’embryon végétal ; elles déterminent toute une série de faits dans l’existence entière de la plante. Quand nous disons qu’un végétal est monocotylédoné ou dicotylédoné, nous n’avons point seulement une idée qui intéresse son embryon, mais nous avons des données précises sur l’agencement de tous ses organes, sur la manière dont il germe et se ramifie, sur la structure et la nervation de ses feuilles, sur la symétrie de ses fleurs, etc.

On voit naître ici, dans la botanique, l’idée fondamentale que Cuvier transportera plus tard dans la zoologie, dans la paléontologie, et dont il tirera de si merveilleux effets.

Ce grand principe de la subordination des caractères appartient donc, comme nous l’avons montré, aux Jussieu. Bernard, modeste et silencieux, l’avait élaboré le premier. Il en avait tiré une classification, dont il ne donna pas lui-