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L’ACADÉMIE ET LES ACADÉMICIENS.

raison. Tel est le portrait un peu humoristique que Grimm nous trace du vieux chimiste.

Mais voici venir Lavoisier, et avec lui apparaît la théorie de l’oxydation : c’est comme un phare éclatant qui s’allume au milieu des ténèbres de la science. Nous avons dit que la chimie date de Lavoisier. Il n’y a pas d’autre exemple d’une science qui ait été si complètement créée par un seul homme. Sans doute la chimie avait fait avant lui d’utiles découvertes ; mais elles se sont comme effacées en entrant dans le cadre nouveau qu’il a ouvert.

Lavoisier eut à détruire la théorie du phlogistique introduite en France par Rouelle, comme nous le disions tout à l’heure. Dans cette théorie, on regardait un métal comme formé d’une chaux métallique et d’un principe spécial ou phlogistique qui pouvait en être séparé par la chaleur. Le phénomène du feu était considéré comme un puissant dégagement de phlogistique. On pouvait d’ailleurs, disait-on, rendre aux métaux le phlogistique qu’ils avaient perdu, et il suffisait pour cela de les chauffer avec une substance abondamment pourvue de ce principe, comme le charbon, le bois, l’huile. Ainsi, en calcinant le plomb à l’air, on obtenait une poudre jaune, la litharge, qui était la chaux métallique séparée de son phlogistique, et, si l’on chauffait ensuite cette litharge avec du charbon en poussière, le phlogistique du charbon s’unissait à la chaux pour révivifier le plomb. Dans cette doctrine, les phénomènes étaient pris à contre-pied, et Lavoisier obtint sa première victoire en montrant qu’il se passait précisément le contraire de ce qu’on croyait. Le métal en se calcinant, au lieu de perdre une partie de lui-même, attire à lui et fixe un des éléments de l’air, et la révivification