Page:Saigey - Les Sciences au XVIIIe siècle.djvu/188

Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
SECTION DE GÉOMÉTRIE.

quatre ans, qu’il obtint le titre d’associé. Sans doute, dans nos habitudes actuelles, c’est un jeune académicien qu’un homme de trente-quatre ans ; mais il faut se reporter à l’époque dont nous parlons. L’Académie n’était pas alors un lieu de retraite, on n’y entrait pas pour s’y reposer des fatigues d’une vie de travail. Elle voulait avoir un rôle actif, et attirait à elle, sur quelques promesses brillantes, des sujets encore tout pleins du premier feu de la jeunesse. Peut-être faut-il chercher dans le caractère de Laplace les motifs du retard qu’il subit. De bonne heure Laplace manqua de simplicité, et les grands airs qu’il affectait déplaisaient fort à d’Alembert, alors très-influent dans les choix académiques.

Lagrange, né à Turin, avait été recommandé par d’Alembert à Frédéric II, qui l’attira à Berlin ; il ne devint Français qu’aux approches de 1789. « Il nous effacera tous, avait dit d’Alembert, ou du moins empêchera qu’on nous regrette. » Sans aller jusque-là, Lagrange a marqué sa place au premier rang des géomètres ; son analyse ferme et lucide a joué un rôle décisif dans la solution des hauts problèmes astronomiques qu’agitait la fin du xviiie siècle.

Monge, fils d’un pauvre marchand ambulant, fut élevé par les oratoriens de Beaune, qui, frappés de ses heureuses dispositions, voulurent l’attacher comme professeur à leur ordre. Monge préféra entrer à l’école du génie de Mézières, embrassant ainsi une carrière où son humble naissance le condamnait à végéter dans les grades inférieurs. Il eut bientôt renouvelé tout l’art des fortifications, et fit jaillir comme d’une source ignorée les méthodes fécondes de la géométrie descriptive. Attaché comme professeur à l’école de Mézières, il fut appelé à Paris par Turgot, et entra en 1783 à l’Académie des sciences.