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L’ACADÉMIE ET LES ACADÉMICIENS.

de vingt-trois ans. L’œuvre principale de d’Alembert comme géomètre est son Traité de mécanique, qui a entièrement renouvelé la science du mouvement ; mais son esprit aussi étendu que solide a suffi à plus d’une tâche. L’ami de Voltaire et de Diderot, le rédacteur du Discours préliminaire de l’Encyclopédie, est devenu une des grandes figures de son siècle et une des gloires des lettres françaises. Peu d’hommes inspirent par leur caractère autant d’estime et de sympathie que d’Alembert. On chercherait en vain une vie plus simple et plus noble. Sensible à tous les grands intérêts de l’humanité, ému de tous les souffles qui peuvent faire vibrer une âme honnête, il semble planer dans une région supérieure réservée aux grandes intelligences, et il dédaigne tout ce qui ne s’élève pas jusqu’à ce niveau. Rien n’est curieux comme le contraste qu’on remarque à cet égard entre Voltaire et d’Alembert, et qui éclate dans leur correspondance. Voltaire, inquiet, agité, s’irrite d’incidents mesquins, se préoccupe des attaques les plus viles, s’arrête à mille détails vulgaires, fait lui-même la cuisine de sa gloire. Rien de pareil chez d’Alembert ; toutes ces choses triviales le laissent calme et indifférent ; il n’a aucun effort à faire pour les mépriser, car, les yeux fixés plus haut, il ne les voit pas.

Après Clairaut et d’Alembert, l’Académie eut une seconde moisson de grands géomètres.

Laplace, l’illustre auteur de la Mécanique céleste, était un autre géomètre de race. Il se fit connaître de bonne heure par des mémoires qui marquaient la puissance de son esprit. Cependant l’Académie se fit longtemps prier pour lui ouvrir ses portes. Il dut se présenter plusieurs fois avant d’être nommé adjoint, et ce n’est qu’en 1783, à l’âge de trente-