Page:Saigey - Les Sciences au XVIIIe siècle.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.
173
SECTION DE GÉOMÉTRIE.

tracé les principales lignes du système du monde ; mais il n’avait fait qu’une sublime ébauche, qui demandait à être précisée et complétée. Parmi les travaux du premier ordre qui vinrent ainsi s’ajouter à l’œuvre du maître, il faut citer le livre de Clairaut sur la théorie de la lune. La lune, attirée par la terre et par le soleil, suit en somme une marche compliquée dans l’espace, et Clairaut en détermine habilement les détails. C’est ce qu’on appelle le problème des trois corps ; il constitue une des plus hautes difficultés de l’astronomie mathématique. Dans un sujet que l’analyse ne peut traiter d’une façon absolument rigoureuse, les calculs de Clairaut, immenses tout en étant ingénieusement abrégés, se rapprochaient de plus en plus de la vérité par une série d’approximations successives. Cette méthode excita l’étonnement des contemporains : les vieux géomètres, habitués à la rigueur des anciens procédés, crièrent au scandale ; elle est restée cependant, et elle a donné les fruits les plus heureux entre les mains des successeurs de Clairaut.

D’Alembert, lui aussi, est né géomètre. Enfant abandonné, recueilli par une pauvre femme, il avait besoin de songer à sa fortune, et il craignait avec quelque raison que l’étude pure des mathématiques ne fût un mauvais moyen de réussir dans le monde. Résistant à sa vocation, il prit le parti d’étudier la médecine. Le voilà donc qui se sépare, comme de compagnons dangereux, de tous ses livres de géométrie et qui va les déposer chez un de ses amis ; mais bientôt les livres reprennent un à un le chemin de son logement, et d’Alembert, renonçant aux études qu’il s’était imposées, s’abandonne sans contrainte à son génie naturel. À ses premiers essais, on reconnut un maître, et l’Académie des sciences le reçut à l’âge