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EXPÉDITIONS SCIENTIFIQUES.

Aussi, le 6 juin 1761, cinquante-cinq observateurs, appartenant à toutes les nations de l’Europe, se répandirent sur la surface du globe pour déterminer toutes les circonstances du phénomène annoncé. La France envoya Pingré à l’île Rodrigue, Legentil à Pondichéry, l’abbé Chappe en Sibérie. L’Angleterre avait dépêché Wales dans l’Amérique septentrionale, le capitaine Cook et l’astronome Green dans l’océan Pacifique, Gall à Madras, Maskelyne à Sainte-Hélène, sans compter Wintrop, qui observait à Cambridge. L’impératrice de Russie, Catherine, avait installé des observateurs à Yakoutsk, à Astrakhan, en Laponie. Le Danemark, l’Espagne même avaient mis leurs savants en route.

Les résultats obtenus, tant en 1761 qu’en 1769, ne répondirent point aux espérances que devait faire naître un pareil déploiement de forces. Les observations furent contrariées sur un grand nombre de points par des circonstances diverses, notamment par l’état de l’atmosphère. C’est ainsi que Legentil, qui était le principal des astronomes français, échoua lors des deux passages : en 1761, paralysé par des incidents de guerre, il se trouva en pleine mer au moment du phénomène ; en 1769, installé à Pondichéry, muni d’excellents instruments, il attendait le passage dans un observatoire solide et bien disposé, le temps même semblait promettre une observation facile, lorsqu’un nuage malencontreux vint lui cacher le soleil et lui faire perdre le fruit de tous ses préparatifs. Quant à l’abbé Chappe, à tort ou à raison, ses observations furent accusées d’inexactitude volontaire. L’impératrice Catherine lui reprochait d’avoir tout vu en Russie « en courant la poste dans un traîneau bien fermé ». On supposa qu’il avait fait de même en ce qui concernait le passage de Vénus. Il faut dire pourtant que ses ennemis n’obtinrent pas créance auprès de l’Académie, car elle lui