Page:Saigey - Les Sciences au XVIIIe siècle.djvu/160

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
CONCLUSION : LES DEUX MÉTHODES.

n’a pas d’appellation bien précise, mais que nous pouvons désigner, pour la facilité du langage, sous le nom de méthode littéraire.

Chaque siècle, chaque époque emploie l’une et l’autre méthode dans des proportions différentes, la méthode littéraire cédant le terrain peu à peu à la méthode scientifique ; mais il n’appartient qu’aux génies les plus heureusement doués de les concilier toutes deux et d’en réunir les avantages.

Chacune des méthodes en effet a ses écueils, ses excès.

Quelquefois l’esprit des sciences, enivré de ses conquêtes, veut tout soumettre sans délai à son autorité, il regarde comme non avenu ce qu’il n’a pas souverainement décidé ; on le voit alors, enfermé dans quelques solutions étroites, faire de violents efforts pour y ramener l’ensemble des choses. En vain l’homme demande à garder quelque liberté sur les points que la science n’éclaire pas encore et à s’ébattre en plein air hors du strict domaine où tout est déjà prouvé ; on lui défend de pareilles escapades. Restez ici, lui dit-on, et renoncez à jouir de tout ce qui n’est pas su de science certaine.

Quant à la méthode littéraire, nous demandera-t-on d’en signaler les écarts ? Séduite par tout ce qui brille, elle s’attache souvent à des mirages comme à des objets réels. D’un bond elle atteint l’absolu et elle en redescend si sûre, si infatuée d’elle-même, qu’elle ne voit plus de difficultés nulle part. À tout propos et sur toutes questions, elle commence par faire un échafaudage entier. Qu’on ne lui parle pas de constructions laborieusement élevées pierre à pierre et qui doivent rester inachevées ; elle ne connaît que les édifices couronnés, et c’est précisément par le faîte qu’elle commence toutes choses. Trompée par les toiles peintes qu’elle a disposées autour