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LA PHYSIOLOGIE CÉRÉBRALE.

pothèses alors si mal justifiées ; il s’en tenait prudemment à ce qu’il avait dit avec Locke sur la matière et la pensée, et il ne voyait pas d’éléments pour entrer plus avant dans la question. Il s’élève donc contre ces physiologistes, dont les uns font des nerfs un canal par lequel passe un fluide invisible, les autres un violon dont les cordes sont pincées par un archet qu’on ne voit pas davantage.

C’est ainsi que peu de temps avant sa mort, — et ce trait terminera notre étude, — nous le trouvons prenant la plume contre un adversaire dont le nom devait retentir ailleurs que sur le terrain de la science ; il s’attaque à Marat, le futur montagnard, le futur ami du peuple. Marat, alors médecin du comte d’Artois, avait publié en 1775 un traité en trois volumes, De l’Influence de l’âme sur le corps et du corps sur l’âme. Ce qu’était sa théorie, on l’imagine facilement ; mais il est bien certain qu’il n’avait pour l’appuyer qu’une provision de faits insuffisante. Ses opinions s’exprimaient d’ailleurs dans un style dithyrambique pour lequel il invoquait le patronage de l’auteur de la Nouvelle-Héloise et d’Émile, « Prête-moi ta plume, lui disait-il, pour célébrer toutes ces merveilles ; prête-moi ce talent enchanteur de montrer la nature dans toute sa beauté ; prête-moi ces accents sublimes !… »

Voltaire objecte à Marat qu’il ferait mieux d’invoquer Boerhaave et même Hippocrate qu’un faiseur de romans.

« M. Marat croit avoir découvert que le suc des nerfs est le lien de communication entre les deux substances, le corps et l’âme. C’est avoir fait en effet une grande découverte que d’avoir vu de ses yeux cette substance qui lie la matière et l’esprit… Ce suc est apparemment quelque chose qui tient des deux autres, puisqu’il leur sert de passage, comme les zoophytes, à ce qu’on prétend, sont le passage du règne végétal