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VOLTAIRE POLYGÉNISTE.

de prétexte à produire une correspondance très-gaie entre « le révérend père l’Escarbotier, par la grâce de Dieu capucin indigne, prédicateur ordinaire et cuisinier du grand couvent de la ville de Clermont en Auvergne, et le révérend père Élie, carme chaussé, docteur en théologie. » Les deux bons moines, tous les deux fort gaulois, dissertent sur les limaces à coque et sans coque, et partent de là pour toucher à bien d’autres matières que nous ne nous proposons pas d’examiner ici.

En lisant avec beaucoup d’attention les récits des voyageurs sur les mœurs des peuplades lointaines, en interrogeant soigneusement ceux de ses amis que les hasards de leur carrière avaient conduits dans les différentes parties du monde, Voltaire avait acquis des idées assez exactes sur l’état des races humaines.

Il était très-frappé des différences spécifiques qu’on remarque entre les hommes, et, suivant les habitudes de son esprit, il prenait ces différences pour des faits au delà desquels il n’y a pas lieu de remonter. En un mot, pour employer le langage des anthropologistes de nos jours, il était polygéniste.

Il n’y a, suivant lui, que la manie des systèmes qui puisse troubler l’esprit au point de faire dire qu’un Suédois et un Nubien sont de la même espèce, lorsqu’on a sous les yeux le tissu sous-cutané des nègres, qui est absolument noir et qui est la cause évidente de leur noirceur inhérente et spécifique. Il ne peut pas admettre qu’un Lapon et un Samoyède soient de la race des anciens habitants des bords de l’Euphrate, pas plus que leurs rennes ne descendent des cerfs de la forêt de Senlis. « Il n’a certainement pas été plus difficile à la nature de faire des Lapons et des rennes que des nègres et des éléphants. »

Ce qui donne une certaine valeur à l’opinion de Voltaire,