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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

mer des bancs immenses de coquilles marines, si elles étaient, comme on l’assurait, posées à plat par couches régulières, il fallait bien admettre que la mer eût séjourné longtemps dans ces parages. Voltaire fit venir à Ferney des caisses de ce falun pour le considérer de près. Tout examen fait, il n’y vit qu’une terre marneuse mêlée de talc, un peu salée au goût ; mais il n’y découvrit aucun vestige de coquilles. « Les laboureurs de Touraine l’emploient, dit-il, pour féconder leurs champs. Si ce n’était qu’un amas de coquilles, je ne vois pas qu’il pût fumer la terre. J’aurais beau jeter dans mon champ toutes les coques desséchées des limaçons et des moules de ma province, ce serait comme si j’avais semé sur des pierres. »

Buffon, contre qui les critiques et les plaisanteries de Voltaire étaient dirigées, y avait été fort sensible.

Dès l’année 1749, Voltaire avait envoyé à l’Académie de Bologne une dissertation, écrite en italien et traduite par lui-même en français, sur les changements arrivés dans notre globe. Il y parlait de la théorie des montagnes et des fossiles à peu près dans les termes qu’on vient de voir.

Buffon, très-piqué, répondit à son adversaire en prenant lui-même le ton de la plaisanterie, qui ne lui était pas habituel. On lit dans la Théorie de la terre : « La Loubère rapporte, dans son voyage de Siam, que les singes au cap de Bonne-Espérance s’amusent continuellement à transporter des coquilles du rivage de la mer au-dessus des montagnes… En lisant une lettre italienne sur les changements arrivés au globe terrestre, je m’attendais à trouver ce fait rapporté par la Loubère, car il s’accorde parfaitement avec les idées de l’auteur. Les poissons pétrifiés ne sont, à son avis, que des poissons rares rejetés de la table des Romains parce qu’ils n’étaient pas frais ; et à l’égard