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LES COQUILLES FOSSILES.

ches de craie, de marne, de pierre à chaux, de marbre, sont composées soit de coquilles entières, soit de fragments de coquilles mêlées à d’autres productions marines ; on y trouvait des débris très-reconnaissables de poissons de mer : et cela se rencontrait non-seulement en Angleterre et en France, mais en Asie et en Afrique, non-seulement dans les plaines, mais sur les Alpes et les Pyrénées.

Voltaire vint se heurter contre cette masse considérable de faits. Il les rejeta tout d’un bloc. Plutôt que d’admettre que la mer eût occupé la place des continents, il refusa de croire aux amas de fossiles marins.

Et d’abord il admettait parfaitement que la nature pût façonner des pierres par ses forces propres et leur donner directement la forme de certains animaux. C’est ainsi que les Alpes, les Vosges, sont pleines de pierres tournées en spirales ; il a plu aux naturalistes de les appeler des cornes d’Ammon et l’on veut dès lors y reconnaître un poisson qui vit dans la mer des Indes ; on se laisse ainsi abuser par les mots. Comme on a nommé glossopètres ces pierres que les géologues italiens ont signalées dans les montagnes de leur pays et qui ont quelque rapport avec la langue d’un chien marin, les naturalistes imaginent que des chiens marins sont venus mourir sur les Apennins du temps de Noé. « Que n’ont-ils dit aussi que les coquilles que l’on appelle conques de Vénus sont en effet la chose même dont elles portent le nom ? »

Une fois entré dans cette voie, Voltaire pousse à outrance ses plaisanteries sur les jeux de la nature et sur ce qu’en tirent les philosophes à systèmes. Il y a dans le Chablais, à deux petites lieues de Ripaille, une grotte remarquable par des stalactites et des stalagmites. L’eau qui distille à travers le rocher a formé dans la voûte la figure d’une poule qui couve