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CONTROVERSE AVEC BUFFON.

D’ailleurs, en même temps qu’il fait naître les monts au fond des mers, Buffon les fait détruire sur terre par l’eau du ciel ; il remarque que les pluies entraînent sans cesse les matières placées sur les hauteurs, qu’il y a là une cause puissante de nivellement, et que les sommets des continents peuvent ainsi s’abaisser pour être ensuite envahis par l’Océan. C’est là une supposition que Voltaire n’admet pas plus que la précédente ; l’abaissement et l’élévation des montagnes lui répugnent également. « Il est évident, dit-il, que l’un des deux systèmes est faux, et il n’est pas improbable qu’ils le soient tous deux. » Il ne voit qu’une conception monstrueuse dans ce mouvement de bascule qui changerait tour à tour la terre en océan et l’océan en terre ; il rappelle l’auteur de l’Histoire naturelle à l’examen des faits et lui fait remarquer qu’il a dit lui-même : « La mer irritée s’élève vers le ciel et vient en mugissant se briser contre les digues inébranlables qu’avec tous ses efforts elle ne peut ni détruire ni surmonter. La terre élevée au-dessus du niveau de la mer est à jamais à l’abri de ses irruptions. » Là est la vérité, et les petits changements que l’on peut observer, les ports qui s’ensablent, le limon qui se dépose à la bouche des fleuves, les légères variations que l’on constate dans la hauteur des rivages, n’autorisent point les hypothèses excessives qu’on en veut tirer.

Il n’accepte aucun changement de quelque importance. Buffon a prétendu que la Méditerranée est une mer relativement récente, et qu’elle s’est produite par l’irruption de l’Océan, qui a renversé les promontoires situés entre Gibraltar et Ceuta. C’est là un point de vue que Voltaire déclare inadmissible. Il ne veut pas concevoir l’ancien continent sans Méditerranée. Tous ces grands fleuves qui viennent d’Europe et d’Asie, le Tanaïs, le Borysthène, le Danube, le Pô, le Rhône, ont de tout