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VOLTAIRE À FERNEY.

diverses opinions émises par les savants de son siècle sur les grands problèmes de la nature. Les vues principales de Voltaire sur les sciences naturelles sont réunies dans un livre qui parut en 1768, et qui portait pour titre : Des singularités de la nature. C’était une réunion d’articles détachés, de notes diverses, plutôt qu’un traité régulier.

Le livre débute par ces paroles : « On se propose ici d’examiner plusieurs objets de notre curiosité avec la défiance qu’on doit avoir de tout système jusqu’à ce qu’il soit démontré aux yeux ou à la raison. Il faut bannir autant qu’on le pourra toute plaisanterie dans cette recherche ; les railleries ne sont pas des convictions. » Mais, après cet exorde, Voltaire oublie facilement le dessein qu’il a formé de garder son sérieux ; il remplace trop souvent la discussion par la plaisanterie.

En revanche, il suit fidèlement la première partie de son programme ; il pousse jusqu’à l’extrême la défiance contre les systèmes. C’est là ce qui constitue, à proprement parler, sa méthode scientifique dans les matières que nous examinons maintenant. Quand nous nous sommes occupé des œuvres de Voltaire relatives à la physique proprement dite, nous avons trouvé chez lui des idées neuves, des vues systématiques, beaucoup d’erreurs par conséquent, mais aussi un certain nombre d’inspirations heureuses ; nous avons constaté que sur plusieurs points il a devancé par instinct le progrès de la science et touché du doigt des vérités qui ne devaient être proclamées que longtemps après lui. C’est qu’en physique Voltaire a travaillé par lui-même, il a mis la main à l’œuvre, il a fait des études expérimentales. Or, en faisant des expériences, en découvrant des faits nouveaux, on est facilement amené à leur donner une importance excessive et à en tirer ces conclusions exagérées qui se formulent en systèmes. Dans