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LA PHYSIQUE DE VOLTAIRE.

grains de blé germé, à quoi les dames ont pris un singulier plaisir ».

Si nous allons chercher les idées mêmes de Maupertuis sous ces travestissements plus ou moins grotesques, nous trouvons sans doute des fantaisies critiquables et des erreurs manifestes : ainsi Maupertuis ne soupçonne ni la nature ni l’importance des fonctions de la peau ; l’esprit de système le porte à simplifier ridiculement les phénomènes embryonnaires ; mais, sur la plupart des points, ses vues n’ont rien qui puisse nous paraître déraisonnable. La physiologie cérébrale croit s’éclairer de nos jours par les dissections dont rit Voltaire, et la science anthropologique attache précisément aujourd’hui une certaine importance aux crânes des Patagons, qui sont tout justement les géants dont parlait Maupertuis. L’idée d’atteindre les pôles nous est devenue familière. Sans prétendre à gagner le centre de la terre, nous savons le prix des fouilles géologiques. La spécialisation des études médicales est devenue une conséquence des progrès de la science ; nous sommes habitués à voir de grands praticiens se circonscrire dans une seule branche de la pathologie. Enfin les questions relatives à la génération spontanée étaient encore assez incertaines au milieu du xviiie siècle pour que Maupertuis pût sans déraison se déclarer hétérogéniste, et nous pouvons même ajouter que nous ne les regardons pas encore, à l’heure qu’il est, comme tellement tranchées, qu’on ne puisse avec honneur combattre dans les deux camps opposés.

En somme, la Diatribe du docteur Akakia nous montre Voltaire tel que nous le retrouverons dans tout ce qui touche à ces sciences qu’on appelle plus particulièrement les sciences naturelles. Il faut faire la part, et une grande part, à son animosité contre Maupertuis : elle l’aveugle et lui fait dépasser le but ;