Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/94

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 56 —
lois eussent donné quelque forme aux mœurs si difformes de ces peuples barbares, dans lesquels on void bien peu reluire la lumiere de la raison, et la pureté d’vne nature espurée.

Deux iours auant nostre arriuée aux Hurons, nous trouuasmes la mer douce, sur laquelle ayans trauersé d’Isle en Isle, et pris terre au pays tant désiré, par vn iour de Dimanche, feste sainct Bernard, enuiron midy, que le Soleil donnoit à plomb, mes Sauuages ayans serré leur Canot en 82|| un bois là auprés me chargerent de mes hardes et pacquets, qu’ils auaient auparauant tousiours portez par le chemin : la cause fut la grande distance qu’il y auait de là au Bourg, et qu’ils estoient desia plus que suffisamment chargés de leurs marchandises. Ie portay donc mon pacquet auec vne très-grande peine, tant pour sa pesanteur, et de l’excessiue chaleur qu’il faisoit, que pour une foiblesse et debilité grande que ie ressentois en tous mes membres depuis vn long temps, ioinct que pour m’auoir fait prendre le deuant, comme ils auoient accoustumé (à cause que ie ne pouuois les suyure qu’à toute peine) ie me perdis du droict chemin, et me trouuay long temps seul, sans sçauoir où i’allois. À la fin, apres auoir bien marché et trauersé pays, ie trouuay deux femmes Huronnes proche d’vn chemin croizé, et leur demanday par où il falloit aller au Bourg où ie me deuois rendre, ie n’en sçauois pas le nom, et moins lequel le deuois prendre des deux chemins : ces pauures femmes se peinoient assez pour se faire entendre, mais il n’y auoit encore moyen. Enfin, inspiré de Dieu, ie pris le bon chemin, et au bout de quelque temps ie 83|| trouuay mes