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ger d’vne petite peine, outre le seruice qu’il me faisoit de porter mes hardes et mon pacquet aux Saults, bien qu’il fust desia assez chargé de sa marchandise, et du Canot qu’il portoit sur son espaule parmy de si fascheux et penibles chemins.

Vn iour ayant pris le deuant, comme ie faisois ordinairement, pendant que mes Sauuages deschargeoient le Canot, pource qu’ils alloient (bien que chargez) d’vn pas beaucoup plus viste que moy, et m’approchant d’vn lac, ie sentis la terre bransler sous moy, comme vne Isle flottante sur les eauës ; et de faict, ie m’en retiray bien doucement, et allay attendre mes gens sur vn grand Rocher là auprés, de peur que quelque inconuenient ne m’arri-72||uast : il nous falloit aussi par-fois passer par de fascheux bourbiers, desquels à toute peine pouuions-nous retirer, et particulièrement en vn certain marais ioignant vn lac, où l’on pourroit facilement enfoncer iusques par-dessus la teste, comme il arriua à vn François qui s’enfonça tellement, que s’il n’eust eu les jambes escarquillées au large, il eust esté en grand danger, encore enfonça-il iusques aux reins. On a aussi quelques-fois bien de la peine à se faire passage auec la teste et les mains parmy les bois touffus, où il s’y en rencontre aussi grand nombre de pourris et tombez les vns sur les autres, qu’il faut enjamber, puis des rochers, pierres, et autres incommoditez qui augmentent le trauail du chemin, outre le nombre infiny de Mousquites qui nous faisoient incessamment vne tres-cruelle et fascheuse guerre, et n’eust esté le soin que ie portois à me conseruer les yeux, par le moyen d’vne estamine que i’auois sur la face, ces mes-