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sec ils faisoient 70|| du feu pour faire chaudiere. Mais il faut noter que tout bois n’est propre à en tirer du feu, ains de particulier que les Sauuages sçauent choisir. Or, quand ils auoient de la difficulté d’en tirer, ils deminçoient dans ce trou vn peu de charbon, ou vn peu de bois sec en poudre qu’ils prenoient à quelque souche : s’ils n’auoient vn baston large, comme i’ay dict, ils en prenoient deux ronds, et les lioient ensemble par les deux bouts, et estans couchez le genoüil dessus pour les tenir, mettoient entre-deux la poincte d’vn autre baston de ce bois, faict de la façon d’vne nauette de tissier, et le tournoient par l’autre bout entre les mains, comme i’ay dict.

Pour reuenir donc à nostre voyage, nous ne faisions chaudiere que deux fois le iour, et n’en pouuant gueres manger à la fois, pour n’y estre encore accoustumé, il ne faut pas demander si ie patissois grandement de necessité plus que mes Sauuages, qui estoient accoustumez à cette maniere de viure, ioint que petunant assez souuent durant le iour, cela leur amortissoit la faim.

L’humanité de mon hoste estoit remarquable, en ce que n’ayant pour toute cou-71||uerture qu’vne peau d’Ours à se couurir, encore m’en faisoit-il part quand il pleuuoit la nuict, sans que ie l’en priasse, et mesme me disposoit la place le soir, où ie deuois reposer la nuict, y accommodant quelques petits rameaux, et vne petite natte de jonc qu’ils ont accoustumé de porter quant-et-eux en de longs voyages, et compatissant à ma peine et foiblesse, il m’exemptoit de nager et de tenir l’auiron, qui n’estoit pas me deschar-