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me contentois, pour l’ordinaire, de la Sagamité des deux qui m’agreoit dauantage, bien qu’à l’vne et à l’autre il y eust tousiours des salletez et ordures, à cause, en partie, qu’on se seruoit tous les iours de nouuelles pierres, et assez mal-nettes, pour concasser le bled, ioint que les escuelles ne pouuoient sentir gueres bon : car ayans necessité de faire de l’eau en leur Canot, ils s’en seruoient ordinairement en cette action : mais sur terre ils s’accroupissoient en quelque lieu à l’escart auec de l’honnesteté et de la modestie qui n’auait rien de sauuage.

Ils faisoient par-fois chaudiere de bled d’Inde non concassé, et bien qu’il fust tousiours fort dur, pour la difficulté qu’il y a à le faire cuire, il m’agreoit dauantage au commencement, pour ce que ie le prenois grain à grain, et par ainsi ie le mangeois nettement et à loisir en marchant, et dans nostre Canot. Aux endroits de la riuiere et des lacs où ils pensoient auoir du poisson, ils y laissoient traisner apres eux vne ligne, à l’ain de laquelle ils auoient accommodé et lié de la peau 68|| de quelque grenouille qu’ils auoient escorchée, et par-fois ils y prenoient du poisson, qui seruoit à donner goust à la chaudière : mais quand le temps ne les pressoit point, comme lors qu’ils descendoient pour la traicte, le soir ayans cabané, vne partie d’eux alloient tendre leurs rets dans la riuiere, en laquelle ils prenoient souuent de bons poissons, comme Brochets, Esturgeons et des Carpes, qui ne sont neantmoins telles, ny si bonnes, ny si grosses que les nostres, puis plusieurs autres especes de poissons que nous n’auons pas par deçà.

Le bled d’Inde que nous mangions en chemin, ils