Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 43 —

d’vn chant si doux et agreable, que i’en demeuray tout estonné, et rauy d’admiration : de sorte que depuis ie n’ay rien ouy de plus admirable entr’eux ; car leur chant ordinaire est assez mal-gracieux.

Nous cabanasmes assez proche d’eux, et fismes chaudiere à la Huronne, mais ie ne pu encore manger de leur Sagamité 63||pour ce coup, pour n’y estre pas accoustumé, et me fallut ainsi coucher sans souper, car ils auoient aussi mangé en chemin vn petit sac de biscuit de mer que i’auois pris aux barques, pensant qu’il me deust durer iusques aux Hurons, mais ils n’y laisserent rien de reste pour le lendemain, tant ils le trouuerent bon. Nostre lict fut la terre nuë, auec vne pierre pour mon cheuet, plus que n’auoient nos gens, qui n’ont accoustumé d’auoir la teste plus haute que les pieds ; nostre maison estoit deux escorces de Bouleau, posées contre quatre petites perches fichées en terre, et accommodées, en panchans, au dessus de nous. Mais pour ce que leur façon de faire, et leur manière de s’accommoder allans en voyage, est presque tousiours de mesme, ie diray succinctement cy-aprés comme ils s’y gouuernent.

C’est, que pour pratiquer la patience à bon escient, et patir au delà des forces humaines, il ne faut qu’entreprendre des voyages auec les Sauuages, et specialement long-temps, comme nous fismes : car il se faut resoudre d’y endurer et patir, outre le danger de perir en chemin, plus que l’on ne sçauroit penser, tant de la faim,64||que de la puanteur que ces salles maussades rendent presque continuellement dans leurs Canots, ce qui seroit capable de se desgouter du tout de si desagreables compagnies, que pour coucher