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la culture, peuplade ou aduance du pays, c’est pourquoy ils n’y sont gueres plus avancez que le premier iour, par crainte, disent-ils, que les Espagnols ne les en missent dehors, s’ils y auoient faict valoir la contrée. Mais c’est une excuse bien foible, et qui n’est nullement receuable entre gens d’esprit et d’expérience qui sauent tres-bien qu’on s’y peut tellement accommoder et fortifier, si on y vouloit faire la despense necessaire, qu’on n’en pourroit estre chassé par aucun ennemy ; mais si on n’y veut rien faire davantage que du passé, la France Antarctique aura tousiours vn nom en l’air, et nous vne possession imaginaire en la main d’autruy, et si la conuersion des Sauuages sera tousiours imparfaicte, qui ne se peut faire que par l’assistance de quelques colonnes de bons et vertueux Chrestiens, auec la doctrine et l’exemple des bons Religieux.

Apres nous estre rafraischis deux ou trois iours auec nos Frères dans nostre pe-59||tit Couuent, nous montasmes auec les barques par la mesme riuiere Sainct Laurent, iusques au Cap de Victoire, que les Hurons appellent Onthrandéen, pour y faire la traicte : car là s’estoient cabanez grand nombre de Sauuages de diuerses Nations ; mais auant que d’y arriuer nous passasmes par le lieu appelé de Saincte Croix, puis par les Trois Riuieres, qui est vn pays tres-beau, et remply de quantité de beaux arbres, et toute la route vnie et fort plaisante, iusques à l’entrée du Saut Sainct Louis, où il y a de Kebec plus de 60. ou 70. lieues de chemin. Des Trois Riuieres nous passasmes par le lac Sainct Pierre, qui contient quelques huict lieuës de longueur, et quatre de large, duquel