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sez, qu’ils sortoient par-fois leurs testes hors de l’eau, pour se donner garde d’estre surpris, et voir de quel costé estoient les pescheurs, puis rentraient dans l’eau, et pendant la nuict nous oyons souuent leurs voix, qui ressembloient presqu’à celles des Chats huans (chose contraire à l’opinion de ceux qui ont dict et escrit que les poissons n’auoient point de voix).

Proche de là, sur le chemin de Kebec, et l’Isle aux Allouettes, ainsi nommée, pour le nombre infiny qui s’y trouue par-fois. I’en ay eu quelques-vnes en vie, 51|| elles ont leur petit capuce en teste comme les nostres, mais elles sont vn peu plus petites, et de plumage vn peu plus gris et moins obscur, mais le goust de la chair en est de mesme. Cette isle presque couuerte, pour la pluspart, que de sable, qui faict que l’on en tue vn grand nombre d’vn seul coup d’arquebuse : car donnant à fleur de terre, le sable en tue plus que ne faict la poudre de plomb, tesmoin celuy qui en tua trois cens et plus d’vn seul coup.

Sur ce mesme chemin de Kebec, nous trouuasmes aussi en diuers endroicts plusieurs grandes troupes de Marsouins, entierement et parfaictement blancs comme neige par tout le corps, lesquels proche les vns des autres, se ioüoyent, et se sousleuant monstroient ensemblement vne partie de leurs grands corps hors de l’eau, qui est, à peu prés, gros comme celuy d’vne vache, et long à proportion, et à cause de cette pesanteur, et que ce poisson ne peut seruir que pour en tirer de l’huile : l’on ne s’amuse pas à cette pesche, partout ailleurs nous n’en auons point veu de blancs ny de si gros : car ceux de la mer sont noirs, bons à manger, et beau-52||coup plus petits. Il y a aussi en