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eux, et se prosternoient iusqu’en terre, contre leur coustume, en nous disant adieu.

Ie me recreois par fois, selon que ie me trouuois disposé, à voir ietter l’esuent aux Baleines, et ioüer les petits Balenots, et en ay veu vne infinité, particulierement à Gaspé, où elles nous empeschoient nostre repos par leurs soufflemens et les diuerses courses des Gibars et Baleines. Gibar est vne espèce de Baleine, ainsi appellée, à cause d’vne bosse qu’il semble auoir, ayant le dos fort esleué, où il porte vne nageoire. Il n’est pas moins grand que les Baleines, mais non pas si espais ny si gros, et a le museau plus long et plus aigu, et vn tuyau sur le front, par où il iette l’eau de grande violence, quelques-vns à cette cause, l’appellent souffleur. Toutes les fe-25||melles Baleines portent et font leurs petits tous vifs, les allaitent, couurent et contre-gardent de leurs nageoires. Les Gibars et autres Baleines dorment tenans leurs testes esleuées vn peu hors, tellement que ce tuyau est à descouuert et à fleur d’eau. Les Baleines se voyent et descouurent de loin par leur queue qu’elles monstrent souuent s’enfonçans dans la mer, et aussi par l’eau qu’elles iettent par les esuans, qui est plus d’vn poinçon à la fois, et de la hauteur de deux lances, et de cette eau que la Baleine iette, on peut iuger ce qu’elle peut rendre d’huile. Il y en a telle d’où l’on en peut tirer iusqu’à plus de quatre cens barriques, d’autres six-vingts poinçons, et d’autres moins, et de la langue on en tire ordinairement cinq et six barriques : et Pline rapporte, qu’il s’est trouué des Baleines de six cens