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feint estre marchand, et auoir bonne commission, qui luy mesme est pirate et marchand tout ensemble, se seruant des deux qualitez selon les occasions et rencontres, et ainsi nos matelots desiroient ils la rencontre de quelque petit nauire Espagnol, où il se trouue ordinairement de riches marchandises, pour en faire curée, et contenter leur conuoitise : c’est pourquoy il ne faut s’approcher d’aucun nauire en mer qu’à bonnes enseignes, de peur qu’vn forban ne soit pris par vn autre pirate. Que si demandant d’où est le nauire on respond, de la mer, c’est à dire, escumeur de mer, c’est qu’il faut venir à bord, et rendre com- 22|| bat, si on n’ayme mieux se rendre à leur mercy et discretion du plus fort.

C’est aussi la coustume en mer, que quand quelque nauire particulier rencontre vn nauire Royal, de se mettre au dessous du vent, et se presenter non point coste-à coste ; mais en biaisant, mesme d’abattre son enseigne (il n’est pas neantmoins de besoin d’en auoir en si grand voyage sinon quand on approche de terre, ou quand il se faut battre).

Pour reuenir à nos Anglois, ils vindrent enfin à nous, sçauoir leur maistre de nauire, et quelques autres des principaux, non toutefois sans vne grande crainte et contradiction, car ils pensoient qu’on les traiteroit de la mesme sorte qu’ils ont accoustumé de traiter les François quand ils en ont le dessus : c’est pourquoy ce Maistre de nauire offrit en particulier à nostre Capitaine, moy present, tout ce qu’ils auoient de marchandise en leur nauire, moyennant la vie sauue, et qu’ainsi despoüillez de tout, fors d’vn peu de viures, on les laissast aller ; mais on ne leur fit