Apres estre deliurés du peril de la mort, et de la perte du nauire, qu’on croyoit ineuitable, nous mismes la voile au vent, et arriuasmes d’assez bonne heure à la riuiere de Suedre, où l’on deuoit charger du sel des marais de Mareine. Nous nous desembarquasmes, et n’estans qu’à deux bonnes lieuës de Broüage, nous y allasmes nous rafraischir, auec nos Freres de la prouince de la Conception, qui y ont vn assez beau Couuent, lesquels nous y receurent et accommoderent auec beaucoup de charité. Nostre nauire estant chargé, et prest à se remettre à la voile, nous retournasmes nous y rembarquer, auec vn nouueau pilote de Mareine, pour nous reconduire iusqu’à la Rochelle, lequel pensa encore nous eschoüer, ce qu’indubitablement nous aurions esté, s’il eust faict tant soit peu obscur, cela luy osta la presomption et vanité insupportable de laquelle enflé, il s’estimoit le plus habile pilote de cette mer, aussi estoit-il de la pretenduë Religion, et des plus opiniastres, ainsi qu’estoit le premier qui nous auoit eschoüez, quoy que plus retenu et modeste.
I 3|| Vers la Rochelle il y a vne grande quantité de marsouins, mais nos matelots ne se mirent point en peine d’en harponner aucun, mais ils pescherent quantité de seiches, qui font grandement bonnes fricassées, et semblent des blancs d’œufs durs fricassez : ils prindrent aussi des grondins auec des lignes et hameçons