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du courant de l’eau iusques à Kebec, bien que mes Sauuages s’en servissent assez peu, pour aymer mieux prendre des chemins destournez par les terres et par les lacs, qui sont fort frequents dans le pays, que de suyure la droite route.

Le neufuiesme ou dixiesme iour de nostre sortie des Hurons, nostre Canot se trouua tellement brisé et rompu, que faisant force eau, mes Sauuages furent contraincts de prendre terre, et cabaner proche deux ou trois Cabanes d’Algoumequins, et d’aller chercher des escorces pour en faire un autre, qu’ils sceurent accommoder et parfaire en fort peu de temps : ie demeuray en attendant mes hommes, auec ces Algoumequins, lesquels avoient auec eux deux ieunes Ours privez, gros comme Moutons, qui continuellement luitoient, couroient et se ioüoient par ensemble, puis c’estoit à qui348||auroit plustost grimpé au haut d’vn arbre : mais l’heure du repas venue, ces meschants animaux estoient tousiours apres nous pour nous arracher nos escuelles de Sagamité auec leurs pattes et leurs dents : mes Sauuages rapporterent auec leurs escorces vne Tortue pleine d’œufs, qu’ils firent cuire viue les pattes en haut sous les cendres chaudes, et m’en firent manger les œufs gros et jaunes comme le moyeu d’vn œuf de poulle.

Ce lieu estoit fort plaisant et agreable, et accommodé d’vn tres-beau bois de gros Pins fort hauts, droicts et presque d’vne egale grosseur et hauteur, et tous Pins, sans meslange d’autre bois, net et vuide de broussailles et halliers, de sorte qu’il sembloit estre l’œuure et le travail d’un excellent jardinier.

Auant que partir de là, mes Sauuages y afficherent