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en vie, et nos petits enfans, quand tu reuiendras vers nous ; tu sçais comme nous t’auons tousiours aymé et chery, et que tu nous es precieux plus qu’aucune autre chose que nous ayons en ce monde ; ne nous abandonne donc point, et prend courage de nous instruire et enseigner le chemin du Ciel, à ce que ne perissions point, et que le Diable ne nous entraisne apres la mort dans sa maison de feu, il est339||meschant, et nous faict bien du mal ; prie donc Iesvs pour nous, et nous fais ses enfans, à ce que nous puissions aller auec toi dans son Paradis : puis d’autres adioustoient mille demandes apres leurs lamentations, disans : Gabriel, si enfin tu es contrainct de partir d’icy pour aller aux François, et que ton dessein soit de revenir (comme nous t’en supplions), rapporte-nous quelque chose de ton pays, des rassades, des prunes, des aleines, ou ce que tu voudras ; car nous sommes pauures et necessiteux en meubles et autres choses (comme tu sçais) ; et si de plus tu pouuois, disoient quelques-vns, nous faire present de tes socquets et sandales, nous t’en aurions de l’obligation et te donnerions quelque chose en eschange : et il les falloit contenter tous de parole ou autrement, et les laisser auec cette esperance que ie les reuerrois en bref, et leur apporterais quelque chose (comme c’estoit bien mon intention, si Dieu n’en eust autrement disposé).

Ayant pris congé du bon Père Nicolas avec promesse de le reuoir au plustost (si Dieu et l’obeys-ance de mes Supérieurs ne m’en empeschoit), ie party de nostre340||Cabane vn soir assez tard, et m’en allay coucher auec des Sauuages sur le bord de l’eau, d’où

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