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desquels ils mangent la chair, et conseruent les peaux et roignons mus-323||quez : ils ont le poil court et doux comme vne taupe, et les yeux fort petits, ils mangent auec leurs deux pattes de deuant, debout comme Escureux, ils paissent l’herbe sur terre, et le blanc des joncs au fond des lacs et riuieres. Il y a plaisir à les voir manger et faire leurs petits tours pendant qu’ils sont ieunes : car quand ils sont à leur entiere et parfaicte grandeur, qui approche à celle d’vn grand Lapin, ils ont une longue queue comme le Singe, qui ne les rend point agreables. I’en auois un tres-joly, de la grandeur des nostres, que i’apportoie de la petite Nation en Canada, ie le nourrissois du blanc des joncs, et d’vne certaine herbe ressemblant au chien-dent, que ie cueillois sur les chemins, et faisois de ce petit animal tout ce que ie voulois, sans qu’il me mordist aucunement, aussi n’y sont-ils pas suiets ; mais il estoit si coquin qu’il vouloit tousjours coucher la nuict dans l’vne des manches de mon habit, et cela fut la cause de sa mort : car ayant vn iour cabane dans vne Sapinière, et porté la nuict loin de moy ce petit animal, pour la crainte que i’auois de l’estouffer, car nous estions couchez sur vn costeau fort penchant, où à peine nous324||pouuions nous tenir, (le mauvais temps nous ayant contraincts de cabaner en si fascheux lieu), cette bestiole, apres auoir mangé ce que ie lui avois donné, me vint retrouuer à mon premier sommeil, et ne pouvant trouuer mes manches il se mit dans les replis de mon habit, où ie le trouuay mort le lendemain matin, et seruit pour le commencement du desieuner de nostre Aigle.

En plusieurs riuieres et lacs, il y a grande quantité