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parmy la salée, comme dit Albert le Grand : voire estans morts, si l’on les cuit auec l’eau salée, ils demeurent neantmoins doux. Mais quant aux poissons qui sont engendrez dans l’eau douce, et qui s’en nourrissent, ils prennent facilement le goust du316||sel, lors qu’ils sont cuits dans l’eau salée. Or de mesme que nos pescheurs ont la cognoissance de la nature de nos poissons, et comme ils sçauent choisir les saisons et le temps pour se porter dans les contrées qui leur sont commodes, aussi nos Sauuages, aydez de la raison et de l’experience, sçauent aussi fort bien choisir le temps de la pesche, quel poisson vient en Automne, ou en Esté, ou en l’vne, ou en l’autre saison.

Pour ce qui est des poissons qui se retrouuent dans les riuieres et lacs au pays de nos Hurons, et particulierement à la mer douce, les principaux sont l’Assihendo, duquel nous auons parlé ailleurs, et des Truites, qu’ils appellent Ahouyocbe, lesquelles sont de desmesurée grandeur pour la pluspart, et n’y en ay veu aucune qui ne soit plus grosse que les plus grandes que nous ayons par-deçà : leur chair est communement rouge, sinon à quelques-vnes qu’elle se voit jaune ou orangée. Les Brochets, appelez Soruissan, qu’ils y peschent aussi, auec les Esturgeons, nommez Hixrahon, estonnent les personnes, tant il s’y en voit de merueilleusement grands.

Quelques sepmaines après la pesche des317||grands poissons, ils vont à celle de l’Einchataon, qui est vn poisson quelque peu approchant aux Barbeaux de par-deçà, longs d’enuiron vn pied et demy, ou peu moins : ce poisson leur sert pour donner goust à leur