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toient de mettre au iour, et faire voir au public, le narré du voyage que i’ay fait dans le pays des Hurons ; pource que de moi-mesme ie ne m’y pouuois resoudre. Mais enfin, apres auoir consideré de plus prés le bien qui en pouuoit reüssir à la gloire de Dieu, et au salut du prochain, auec la licence de mes Superieurs i’ay mis la main à la plume, et decrit dans cette Histoire et ce Voyage des Hurons, tout ce qui se peut dire du pays et de ses habitans. La lecture duquel sera d’autant plus agreable à toutes conditions de personnes, que ce liure est parsemé de diuersité de choses : les vnes belles et remarquables en vn peuple Barbare et Sauuage, et les autres brutales et inhumaines à des creatures qui doiuent auoir de la raison, et recognoistre vn Dieu qui les a mis en ce monde, peut iouyr apres d’un Paradis. Quelqu’vn me pourra dire que ie deuois me seruir du style du temps, ou d’vne bonne plume, pour polir et enrichir mes mémoires, et leur donner iour au trauers de toutes les difficultez que les esprits enuieux (auiourd’huy trop frequens) me pourroient obiecter : et en effet, i’en ay eu la pensée, non pour m’attribuer le merite et la science d’autruy ; mais pour contenter les plus curieux et difficiles dans les entretiens du temps. Au contraire, i’ay esté conseillé de suiure plustost la naïfueté et simplicité de mon style ordinaire (lequel agreera tousiours dauantage aux personnes vertueuses et de merite), que de m’amuser à la recherche d’vn discours poli et fardé, qui aurait voilé ma face, et obscurci la candeur et sincerité de mon Histoire, qui ne doit auoir rien de vain ny de superflu.

Ie m’arreste icy tout court, ie demeure icy en si-