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sauuent neantmoins bien d’arbre en arbre, et par ce moyen euitent la flesche. Si les Sauuages se vouloient donner la peine d’en nourrir de ieunes ils les rendroient domestiques aussi bien qu’icy, comme aussi des Outardes ou Oyes sauuages, qu’ils appellent Ahonque, car il y en a quantité dans le pays : mais ils ne veulent nourrir que des Chiens, et par-fois des ieunes Ours, desquels ils font des festins d’importance, car la chair en est fort bonne, et pour en cheuir les engraissent sans incommodité et danger d’auoir de leurs dents ou de leurs302||pattes, ils les enferment au milieu de leurs Cabanes, dans vne petite tour ronde, faite auec des paux fichez en terre, et là leur donnent à manger des restes des Sagamitez.

En la saison les champs sont tous couuerts de Gruës ou Tochingo, qui viennent manger leurs bleds quand ils les sèment, et quand ils sont prests à moissonner : de mesme en font les Outardes et les Corbeaux, qu’ils appellent Oraquan, ils nous en faisoient par-fois de grandes plaintes, et nous demandoient le moyen d’y remédier : mais c’estoit vne chose bien difficile à faire : ils tuent de ces Grues et Outardes auec leurs flesches, mais ils rencontrent peu souuent, pource que si ces gros oyseaux n’ont les aisles rompues, ou ne sont frappez à la mort, ils emportent aysement la flesche dans la playe, et guerissent auec le temps, ainsi que nos Religieux de Canada l’ont veu par experience d’vne Grüe prise à Kebec, qui auait esté frappée d’vne flesche Huronne trois cens lieues au delà, et trouuerent sur sa croupe la playe guerie, et le bout de la flesche auec sa pierre, enfermée dedans Ils en prennent aussi quelque-fois auec des