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n’estre encore capables de ces senti-285||mens. Ayans suffisamment pleuré, le Capitaine leur crie, c’est assez, cessez de pleurer, et toutes cessent.

Or pour monstrer combien il leur est facile de pleurer, par ces ressouuenirs et repetitions de leurs parens et amis decedez, les Hurons et Huronnes souffrent assez patiemment toutes sortes d’iniures : mais quand on vient à toucher cette corde, et qu’on leur reproche que quelqu’vn de leurs parens est mort, ils sortent alors aysement hors des gonds et perdent patience de cholere et fascherie, que leur apporte et cause ce ressouuenir, et feroient enfin un mauuais party à qui leur reprocheroit : et c’est en cela, et non en autre chose, que ie leur ay veu quelques-fois perdre patience.

Au iour et à l’heure assignée pour l’enterrement, chacun se range dedans et dehors la Cabane pour y assister : on met le corps sur vn brancart ou ciuiere couuert d’vne peau, puis tous les parens et amis, auec vn grand concours de peuple, accompagnent ce corps iusques au Cimetiere, qui est ordinairement à vne portée d’arquebuze loin du bourg, où estans tous arriuez, chacun se tient en silence, les vns de-286||bout, les autres assis, selon qu’il leur plaist ; pendant qu’on esleue le corps en haut, et qu’on l’accommode dans sa chasse, faicte et disposée exprez pour luy : car chacun corps est mis dans vne chasse à part. Elle est faicte de grosse escorce, esleuée sur quatre gros piliers de bois vn peu peinturez, de la hauteur de neuf ou dix pieds ou enuiron : ce que ie coniecture, en ce qu’esleuant ma main, ie ne pouuois toucher aux chasses qu’à plus d’vn pied ou deux prez. Le corps y