Page:Sagard - Le Grand voyage du pays des Hurons (Avec un dictionnaire de la langue huronne), Librairie Tross, 1865.djvu/232

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 194 —

faict suerie auec quelqu’vn de ses amis qu’il y appelle, d’où il arriue que quelques-vns de ces malades se trouuent guéris, et c’est ce qui les en-278||tretient dans l’estime de ces diaboliques ceremonies. Car il est bien croyable que ces malades ne sont pas tellement endiablez qu’ils ne voyent bien le mal qu’ils font ; mais c’est vne opinion qu’ils ont qu’il faut faire du démoniacle pour guerir les fantasies ou troubles de l’esprit, et par vne iuste permission diuine, il arriue le plus souuent qu’au lieu de guerir, ils tombent de fievre en chaud mal, comme on dict, et que ce qui n’estoit auparauant qu’vne fantasie d’esprit, causée d’vne humeur hypocondre, ou d’vne operation de l’esprit malin, se conuertit en vne maladie corporelle auec celle de l’esprit, et c’est ce qui estoit en partie cause que nous estions souuent suppliez de la part des Maistres de la ceremonie, et de Messieurs du Conseil, de prier Dieu pour eux, et de leur enseigner quelque bon remede pour ses maladies, confessans ingenuëment que toutes leurs ceremonies, dances, chansons, festins et autres singeries, n’y seruoient du tout rien.

Il y a aussi des femmes qui entrent en ces furies, mais elles ne sont si insolentes que les hommes, qui sont d’ordinaire plus tempestatifs : elles marchent à quatre279||pieds comme bestes, et font mille grimasses et gestes de personnes insensées : ce que voyant le Magicien, il commence à chanter, puis auec quelque mine la soufflera, luy ordonnant de certaines eauës à boire, et qu’aussi tost elle fasse vn festin, soit de chair ou de poisson qu’il faut trouuer, encore qu’il soit rare pour lors, neantmoins il est aussi tost faict.