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ment et de consolation en ce petit espace de temps que ie fus aupres de luy : car de luy donner quel275||que nourriture ou rafraischissement, il estoit hors de mon pouuoir, puis que i’estois moy-mesme dans vne grande necessite.

Le Truchement des Honqueronons me dist vn iour, que comme ils furent vn long temps pendant l’hyuer, sans auoir de quoy manger autre chose que du petun, et quelque escorce d’arbre, qu’il en deuint tellement foible et debile, qu’il en pensa estre au mourir, et que ses Sauuages le voyans en cet estat, touchez et esmeus de compassion, luy demanderent s’il vouloit qu’on l’acheuast, pour le deliurer des peines et langueurs qu’il souffroit, puis qu’aussi bien faudrait-il qu’il mourust miserablement par les champs, ne pouuant plus suyure les troupes : mais il fut d’aduis qu’il valoit mieux languir et espérer en nostre Seigneur, que de se précipiter à la mort, aussi auoit il raison : car à quelques iours de là Dieu permist qu’ils prindrent trois Ours qui les remirent tous sus pieds, et en leurs premieres forces, apres auoir esté quatorze ou quinze iours en ieusnes continuels.

Il ne faut pas s’estonner ou trouuer estrange qu’ils ayent (touchez et esmeus276||de compassion) presenté et offert de si bonne grace la mort à ce Truchement ? puis qu’ils ont cette coustume entr’eux (i’entends les Nations errantes, et non Sedentaires) de tuer et faire mourir leurs peres et meres, et plus proches parens desia trop vieux, et qui ne peuuent plus suyure les autres, pensans en cela leur rendre de bons seruices.

I’ay quelques-fois esté curieux d’entrer au lieu où l’on chantoit et souffloit les malades, pour en voir