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mais ceux qui255||se font à la pesche et à la chasse sont les meilleurs de tous.

Ils prennent sur tout garde de ne ietter aucune arreste de poissson dans le feu, et y en ayant ietté ils m’en tancerent fort, et les en retirerent promptement, disans que ie ne faisois pas bien, et que ie serois cause qu’ils ne prendroient plus rien ; pour ce qu’il y auoit de certains esprits, ou les esprits des poissons mesmes, desquels on brusloit les os, qui aduertiroient les autres poissons de ne se pas laisser prendre, puis qu’on brusloit leurs os. Ils ont la mesme superstition à la chasse du Cerf, de l’Eslan, et des autres animaux, croyans que s’il en tomboit de la graisse dans le feu, ou que quelques os y fussent iettez, qu’ils n’en pourraient plus prendre. Les Canadiens ont aussi cette coustume de tuer tous les Eslans qu’ils peuuent attraper à la chasse, craignans qu’en en espargnant ou en hissant aller quelqu’vn, il n’allast aduertir les autres de fuyr et se cacher au loin, et ainsi en laissent par-fois pourrir et gaster sur la terre, quand ils en ont desia assez pour leur prouision, qui leur feroient bon besoin en autre temps, pour les grandes disettes qu’ils souffrent souuent, particu-256||lierement quand les neiges sont basses auquel temps ils ne peuuent, que tres-difficilement, attraper la beste, et encore en danger d’en estre enfoncé.

Vn iour, comme ie pensois brusler au feu le poil d’vn Escureux, qu’vn Sauuage m’auoit donné, ils ne le voulurent point souffrir, et me l’enuoyerent brusler dehors, à cause des rets qui estoient pour lors dans la Cabane : disans qu’autrement elles le diroient aux poissons. Ie leur dis que les rets ne