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Le grand Capitaine nous fist seoir auprès de luy, puis ayant imposé silence, il s’addressa à nous, et nous dit, en sorte que toute l’assemblée le pouuoit entendre : Mes Nepueux, à vostre priere et requeste i’ay faict assembler ce conseil general, afin de vous estre faict droict sur les plaintes que vous m’auez proposées ; mais d’autant que ces gens-cy sont ignorans du fait, proposez vous mesme, et declarez hautement en leur presence ce qui est de vos griefs, et en quoy et comment vous auez esté offencés, et sur ce ie feray et bastiray ma harangue, et puis nous vous ferons iustice. Nous ne fusmes pas peu estonnés dés le commencement, de la prudence et sagesse de ce Capitaine, et comme il proceda en tout sagement, iusqu’à la fin de sa conclusion, qui fust fort à nostre contentement et edification.

Nous proposasmes donc nos plaintes, et comme nous auionc quitté vn tres-bon pays, et trauersé tant de mers et de terres, auec infinis dangers et mes-aises, pour 223|| leur venir enseigner le chemin du Paradis, et retirer leurs âmes de la domination de Sathan, qui les entraisnoit tous apres leur mort dans vne abysme de feu sousterrain, puis pour les rendre amis et comme parens des François, et neantmoins qu’il y en auoit plusieurs d’entr’eux qui nous traictoient mal, et particulierement vn tel (que ie nommay) qui a voulu tuer nostre frere Ioseph. Ayant finy, le Capitaine harangua vn long temps sur ces plaintes, leur remonstrans le tort qu’on auroit de nous offencer, puis que nous ne leur rendions aucun desplaisir, et qu’au contraire nous leur procurions et desirions du bien, non seulement pour cette vie ; mais aussi pour l’aduenir.