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faict promener par-dessus les feux ; car en courans sur ces cuisans et tres-rigoureux brasiers, de leurs pieds ils escartent et iettent les tisons, cendres et charbons par la Cabane, qui rendent apres une telle obscurité de poudre et de fumée, qu’on ne s’entre-cognoist point : de sorte que tous sont contraincts de gaigner la porte, et de sortir dehors, et luy aussi parmy la foule, et de là il prend l’essor, et s’en va : et s’il ne peut encore pour lors, il se cache en quelque coin à l’escart, attendant l’occasion et l’opportunité de s’enfuyr, et de gaigner pays. I’en ay veu plusieurs ainsi échappez des mains de leurs ennemis, qui pour preuue nous faisoient voir les trois doigts principaux de la main droicte couppez.

Il n’y a presque aucune Nation qui n’ait guerre et debat auec quelqu’autre, non en intention d’en posseder les terres et conquerir leur pays, ains seulement pour les 220|| exterminer s’ils pouuoient, et pour se venger de quelque petit tort ou desplaisir, qui n’est pas souuent grand chose ; mais leur mauvais ordre, et le peu de police qui souffre les mauuais Concitoyens impunis, est cause de tout ce mal : car si l’vn d’entr’eux a offencé, tué ou blessé un autre de leur mesme Nation, il en est quitte pour vn present, et n’y a point de chastiment corporel (pour ce qu’ils ne les ont point en vsage enuers ceux de leur Nation) si les parens du blessé ou decedé n’en prennent eux-mesmes la vengeance, ce qui arrine peu souuent : car ils ne se font, que fort rarement tort les vns aux autres. Mais si l’offensé est d’vne autre Nation, alors il y a indubitablement guerre declarée entre les deux Nations, si celle de l’homme coulpable ne se rachete par de grands