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tant offencé, comme il est grandement, par la pluspart de nos soldats, qui semblent plustost (chez le bon homme) gens sans Dieu, que Chrestiens naiz pour le Ciel. Ces pauures Sauuages (à nostre confusion) se comportent ainsi modestement en guerre, sans incommoder personne, et s’entretiennent de leur propre et particulier moyen, sans autre gage ou esperance de recompense, que 205|| de l’honneur et louange qu’ils estiment plus que tout l’or du monde. Il seroit aussi bien à desirer que l’on semast de ce bled d’Inde par toutes les Prouinces de la France, pour l’entretien et nourriture des pauures qui y sont en abondance : car auec vn peu de ce bled ils se pourroient aussi facilement nourrir et entretenir que les Sauuages, qui sont de mesme nature que nous, et par ainsi ils ne souffriraient de disette, et ne seroient non plus contrains de courir mendians par les villes, bourgs et villages, comme ils font iournellement pource qu’outre que ce bled nourrist et rassasie grandement, il porte presque toute sa sauce quant-et-soy, sans qu’il y soit besoin de viande, poisson, beurre, sel ou espice, si on ne veut.

Pour leurs armes, ils ont la Massue et l’Arc, auec la Flesche empennée de plumes d’Aigles, comme les meilleures de toutes, et à faute d’icelles ils en prennent d’autres. Ils y appliquent aussi fort proprement des pierres trenchantes collées au bois, auec vne colle de poisson tres-forte, et de ces Flesches ils en emplissent leur Carquois, qui est faict d’vne peau de chien passée, qu’ils portent en escharpe. Ils por-206||tent aussi de certaines armures et cuirasses, qu’ils appelent Aquientor, sur leur dos, et contre les jambes, et