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ils ne les portent enfermez dans leur robe ceinte deuant eux, ou derriere le dos presque tous droits, la teste de l’enfant dehors, qui regarde d’vn costé et d’autre par dessus les espaules de celle qui le porte.

L’enfant estant emmaillotté sur cette ||171 planchette, ordinairement enjoliuée de petits Matachias et Chapelets de Pourceleine, ils luy laissent vne ouuerture deuant la nature, par où il faict son eau, et si c’est vne fille, ils y adioustent vne feuille de bled d’Inde renuersée, qui sert à porter l’eau dehors, sans que l’enfant soit gasté de ses eauës, et au lieu de lange (car ils n’en ont point) ils mettent sous-eux du duuet fort doux de certains roseaux, sur lesquels ils sont couchez fort mollement, et les nettoyent du mesme duuet ; et la nuict ils les couchent souuent tous nuds entre le pere et la mere, sans qu’il en arriue, que tres-rarement, d’accident. I’ay veu en d’autres Nations, que pour bercer et faire dormir l’enfant, ils le mettent tout emmaillotté dans vne peau, qui est suspenduë en l’air par les quatre coins, aux bois et perches de la Cabane, à la façon que sont les licts de reseau des Matelots sous le Tillac des nauires, et voulans bercer l’enfant ils n’ont que fois à autre à donner vn bransle à cette peau ainsi suspendue.

Les Cimbres mettoient leurs enfans nouueaux naiz parmy les neiges, pour les endurcir au mal, et nos Sauuages n’en ||172 font pas moins ; car ils les laissent non seulement nuds parmy les Cabanes ; mais mesmes grandelets ils se veautrent, courent et se ioüent dans les neiges, et parmy les plus grandes ardeurs de l’esté, sans en receuoir aucune incommodité, comme i’ay veu en plusieurs, admirant que ces