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respect) c’est qu’ils sont le support des pères en leur vieillesse, soit pour les ayder à viure, ou bien pour les deffendre de leurs ennemis, et la Nature conserue en eux son droict ||168 tout entier pour ce regard : à quoy ce qu’ils souhaitent le plus, c’est d’auoir nombre d’enfans, pour estre tant plus forts, et asseurez de support au temps de la vieillesse, et neantmoins les femmes n’y sont pas si fecondes que par-deçà : peut-estre tant à cause de leur lubricité que du choix de tant d’hommes.

La femme estant accouchée, suyuant la coustume du pays, elle perce les oreilles de son enfant auec vne aleine, ou vn os de poisson, puis y met vn tuyau de plume, ou autre chose, pour entretenir le trou, et y pendre par apres des patinotres de Pourceleine, ou autre bagatelle, et pareillement à son col, quelque petit qu’il soit. Il y en a aussi qui leur font encore aualler de la graisse ou de l’huile, si tost qu’ils sont sortis du ventre de leur mère ; ie ne sçay à quel dessein ny pourquoy, sinon que le Diable (singe des œuures de Dieu) leur ait voulu donner cette inuention, pour contre-faire en quelque chose le sainct Baptesme, ou quelqu’autre Sacrement de l’Eglise.

Pour l’imposition des noms, ils les donnent par tradition, c’est à dire, qu’ils ont ||169 des noms en grande quantité, lesquels ils choisissent et imposent à leurs enfans : aucuns noms sont sans significations, et les autres auec signification, comme Yocoisse, le vent, Ongyata, signifie la gorge, Tochingo, gruë, Sondaqua, aigle, Scouta, la teste, Tonra, le ventre, Taïhy, vn arbre, etc. l’en ay veu vn qui s’appeloit Ioseph ; mais ie n’ay pu sçauoir qui luy auoit imposé ce nom-là, et