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sont dans la chaudiere les vnes apres les autres, et tous respondent Ho à chaque chose, puis frappent et donnent du poing contre terre, comme demonstrans et approuuans la valeur d’vn tel festin : cela estant dict, ceux qui doiuent seruir, vont de rang en rang prendre les escuelles d’vn chacun, et les emplissent du broüet avec leurs grandes cueilliers, et recommencent et continuent tousiours à remplir, tant que la chaudiere soit vuide, il faut ||146 aussi que chacun mange ce qu’on luy donne, et s’il ne le peut, pour estre trop saoul, il faut qu’il se rachete de quelque petit present enuers le Maistre du festin, et auec cela il faut qu’il fasse acheuer de vuider son escuelle par vn autre, tellement qu’il s’y en trouue qui ont le ventre si plein, qu’ils ne peuuent presque respirer.

Apres que tout est faict, chacun se retire sans boire ; car on n’en presente iamais si on n’en demande particulierement, ce qui arriue fort rarement ; aussi ne mangent-ils rien de trop salé ou espicé, qui les peust prouoquer à boire de l’eau, qu’ils ont pour toute boisson, ce qui est vn grand bien, pour euiter les dissolutions, noises et querelles que le vin, ou autre boisson enyvrante leur pourroit causer, comme à beaucoup de nos beuueurs et yurongnes : car ils ont cela par-dessus eux, qu’ils sont plus retenus et graues, auec vn peu de superbe pourtant, vont aux festins d’vn pas modeste, et representans des Magistrats, s’y comportent auec la mesme modestie et silence ; et s’en retournent en leurs maisons et cabanes avec la mesme sagesse : de maniere que vous diriez voir en ces Messieurs-là, les vieillards ||147 de l’ancienne Lacedemone, allans à leur broüet.