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que mauuaise année, ou bien pour l’aller traicter en d’autres Nations pour des pelleteries ou autres choses qui leur font besoin, et tous les ans sement ainsi leur bled aux mesmes places et endroits, qu’ils rafraischissent auec leur petite pelle de bois, faicte en la forme d’vne oreille, qui a vn manche au bout ; le reste de la terre n’est point labouré, ains seulement nettoyé des meschantes herbes : de sorte qu’il semble que ce soient tous chemins, tant ils sont soigneux de tenir tout net, ce qui estoit cause qu’allant par-fois seul de village à autre, ie m’esgarois ordinairement dans ces champs de bled, plustost que dans les prairies et forests.

135|| Le bled estant donc ainsi semé, à la façon que nous faisons les febues, d’vn grain sort seulement vn tuyau ou canne, et la canne rapporte deux ou trois espics, et chaque espic rend cent, deux cents, quelquefois 400 grains, et y en a tel qui en rend plus. La canne croist à la hauteur de l’homme, et plus, et est fort grosse, (il ne vient pas si bien et si haut, ny l’espic si gros, et le grain si bon en Canada ny en France que là.) Le grain meurit en quatre mois, et en de certains lieux en trois : après ils le cueillent, et le lient par les fueilles retroussées en haut, et l’accommodent par pacquets, qu’ils pendent tous arrangez le long des Cabanes, de haut-en-bas, en des perches qu’ils y accommodent en forme de rattelier, descendant iusqu’au bord deuant l’establie, et tout cela est si proprement aiancé, qu’il semble que ce soient tapisseries tendues le long des Cabanes, et le grain estant bien sec et bon à serrer, les femmes et filles l’esgrenent, nettoyent et mettent dans leurs grandes