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partir autrement, le pourroit faire à toute rigueur ; mais il seroit blasmé, et estimé fol et imprudent.

I’ay veu plusieurs Sauuages des villages circonuoysins, venir à Quieunonascaran, demander congé à Onorotandi, frere du grand Capitaine Auoindaon, pour auoir la permission d’aller au Saguenay : car il se disoit Maistre et Superieur des chemins et riuieres qui y conduisent, s’entend iusques hors le pays des Hurons. De mesme il falloit auoir la permission d’Auoindaon pour aller à Kebec, et comme chacun entend d’estre maistre en son pays, aussi ne laissent-ils passer aucun d’vne autre Nation Sauuage par leur pays, pour aller à la traicte, sans estre recogneus et gratinez de quelque present : ce qui se faict sans difficulté, autrement on leur pourrait donner de l’empeschement, et faire du desplaisir.

Sur l’hyuer, lors que le poisson se retire ||128 sentant le froid, les Sauuages errans, comme sont les Canadiens, Algoumequins et autres, quittent les riues de la mer et des riuieres, et se cabanent dans les bois, là ou ils sçauent qu’il y a de la proye. Pour nos Hurons, Honqueronons et peuples Sedentaires, ils ne quittent point leurs Cabanes, et ne transportent point leurs villes et villages (que pour les raisons et causes que i’ay deduites cy-dessus au Chapitre sixiesme.)

Lors qu’ils ont faim, ils consultent l’Oracle, et apres ils s’en vont l’arc en main, et le carquois sur le dos, la part que leur Oki leur a indiqué, ou ailleurs où ils pensent ne point perdre leur temps. Ils ont des chiens qui les suyuent, et nonobstant qu’ils ne jappent point, toutesfois ils sauent fort bien descouurir le giste de la beste qu’ils cherchent, laquelle es-