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cots, noirs d’vn costé, lesquels elles prennent auec la main, comme on faict les dez, puis les iettent vn peu en haut, et estans tombez sur vn cuir, ou peau estenduë contre terre exprez, elles voyent ce qui faict pour elles, et continuent à qui gaignera les colliers, oreillettes, ou autres bagatelles qu’elles ont, et non iamais aucune monnoye ; car ils n’en ont nulle cognoissance ny vsage ; ains mettent, donnent et eschangent vne chose pour vne autre, en tout le pays de nos Sauuages.

Ie ne puis obmettre aussi qu’ils pratiquent en quelques-vns de leurs villages, ce que nous appelons en France porter les momons : car ils deffient et inuitent les autres villes et villages de les venir voir, joüer auec eux, et gaigner leurs ||125 vstensilles s’il eschet et cependant les festins ne manquent point : car pour la moindre occasion la chaudiere est tousiours preste, et particulierement en hyuer, qui est le temps auquel principalement ils se festinent les vns les autres. Ils aiment la peinture et y reüsissent assez industrieusement, pour des personnes qui n’y ont point d’art ny d’instrumens propres, et font neantmoins des representations d’hommes, d’animaux, d’oyseaux et autres grotesques, tant en relief de pierres, bois et autres semblables matieres, qu’en platte peinture sur leurs corps, qu’ils font non pour idolatrer ; mais pour se contenter la veuë, embellir leurs Calumets et Petunoirs, et pour orner le deuant de leurs Cabanes.

Pendant l’hyuer, du filet que les femmes et filles ont filé, ils font les rets et filets à pescher et prendre le poisson en esté, et mesme en hyuer sous la glace