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âmes, que nous nous efforçons de gaigner à Iesus-Christ.

Quand nous allions voir et visiter nos Sauuages en leurs Cabanes, ils en estoient pour la pluspart bien ayses, et le tenoient à honneur et faueur, se plaignans de ne nous y voir pas assez souuent, et nous faisoient par-fois comme font ordinairement les Merciers et Marchands du Palais de Paris, nous appelans chacun à son foyer, et peut-estre sous esperance de quelque aleine, ou d’vn petit bout de ras-111||sade, de laquelle ils sont fort curieux à se parer. Ils nous faisoient aussi bonne place sur la natte auprès d’eux au plus bel endroict, puis nous offroient à manger de leur Sagamité, y en ayant souuent quelque reste dans leur pot : mais pour mon particulier i’en prenois fort rarement, tant à cause qu’il sentoit pour l’ordinaire trop le poisson puant, que pour ce que les chiens y mettoient souuent leur nez, et les enfants leur reste. Nous auions aussi fort à dégoust et à contre-cœur de voir les Sauuagesses manger les pouls d’elles et de leurs enfants ; car elles les mangent comme si c’estoit chose fort excellente et de bon goust. Puis comme par-deçà que l’on boit l’vn à l’autre, en présentant le verre à celuy à qui on a beu, ainsi les Sauuages qui n’ont que de l’eau à boire, pour toute boisson, voulans festoyer quelqu’vn, et luy monstrer signe d’amitié, apres auoir petuné luy presentent le petunoir tout allumé, et nous tenans en cette qualité d’amis et de parens, ils nous en offroient et presentoient de fort bonne grace : Mais, comme ie ne me suis iamais voulu habituer au petun, ie les en remerciois, et n’en prenois nul-