Page:Sade - Philosophie dans le boudoir, Tome 2, 1795.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
187


Apprenez, Madame, qu’il n’est rien de plus illusoire que les sentimens du père ou de la mère pour les enfans, et de ceux-ci pour les auteurs de leurs jours ; rien ne fonde, rien n’établit de pareils sentimens en usage ici ; détestez-la, puisqu’il est des pays où les parens tuent leurs enfans, d’autres où ceux-ci égorgent ceux de qui ils tiennent la vie. Si les mouvemens d’amour réciproque étoient dans la nature, la force du sang ne seroit plus chimérique, et sans s’être vus, sans s’être connus mutuellement, les parens distingueroient, adoreroient leurs fils, et reversiblement ceux-ci au milieu de la plus grande assemblée, discerneroient leurs pères inconnus, voleroient dans leurs bras, et les adoreroient. Que voyons-nous au lieu de tout cela ? Des haines réciproques et invétérées, des enfans qui, même avant l’âge de raison, n’ont jamais pu souffrir la vue de leurs pères, des pères éloignant leurs enfans d’eux, parce que jamais ils ne purent en soutenir l’approche. Ces prétendus mouvemens sont donc illusoires, absurdes, l’intérêt seul les imagina, l’usage les prescrivit, l’habitude les soutint, mais la nature jamais ne les imprima dans nos cœurs. Voyez si les animaux les connoissent ; non, sans doute ; c’est pourtant