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en devinrent bientôt les jouets. Par-tout enfin on crut, avec raison, que le meurtrier, c’est-à-dire l’homme qui étouffoit sa sensibilité au point de tuer son semblable, et de braver la vengeance publique ou particulière ; par-tout, dis-je, on crut qu’un tel homme ne pouvoit être que très-courageux, et par conséquent très-précieux dans un gouvernement guerrier et républicain. Parcourerons-nous des nations qui, plus féroces encore, ne se satisfirent qu’en immolant des enfans, et bien souvent les leurs ? Nous verrons ces actions universellement adoptées, faire même quelquefois partie des loix ; plusieurs peuplades sauvages tuent leurs enfans aussi-tôt qu’ils naissent ; les mères sur les bords du fleuve Orénoque, dans la persuasion où elles étoient que leurs filles ne naissoient que pour être malheureuses, puisque leur destination étoit de devenir les épouses des sauvages de cette contrée, qui ne pouvoient souffrir les femmes, les immoloient aussi-tôt qu’elles leur avoient donné le jour. Dans la Trapobane et dans le royaume de Sopit, tous les enfans difformes étoient immolés par les parens même ; les femmes de Madagascar exposent aux bêtes sauvages ceux de leurs enfans nés certains jours de la semaine ; dans les républiques