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homme. Ce que perdait pourtant Dorgeville de ce côté, la nature le lui rendait de l’autre ; un bon esprit, ce qui vaut souvent mieux que le génie, une âme étonnemment délicate, un caractère franc, loyal et sincère ; toutes les qualités qui composent, en un mot l’honnête homme, et l’homme sensible, Dorgeville les possédait avec profusion ; et dans le siècle où l’on vivait alors, c’en était beaucoup plus qu’il ne fallait pour devenir à-peu-près certain, d’être malheureux toute sa vie.

À peine Dorgeville eut-il atteint vingt-deux ans, que son oncle mourut, et le laissa à la tête de sa maison, qu’il régla pendant trois autres années, avec toute l’intelligence possible ; mais la bonté de son cœur devint bientôt la cause de sa ruine ; il s’engagea pour plusieurs amis, qui n’eurent pas autant d’honnêteté que lui ; quoique les perfides manquassent, il voulut faire honneur à ses engagemens, et Dorgeville fut bientôt perdu. Il est affreux d’être ainsi dérangé à mon âge, disait ce jeune homme ; mais si quel-